Dans l'un de nos précédents articles, nous avions analysé la performance décevante des stratégies L/S Equity Neutral jusqu’au début du deuxième trimestre. L’extrême volatilité des actions, l’importance des volumes du trading systématique et la prédominance de moteurs de nature spéculative (pandémie, multiples plans de relance, guerre des prix du pétrole), ainsi que leur effet retardé dans les chiffres macro- et microéconomiques, ont été autant d’éléments préjudiciables aux approches de sélection des titres axées sur les fondamentaux. Qui plus est, les stratégies ont été pénalisées par la re-corrélation rapide entre actions, la contribution insuffisante des positions courtes et d’importantes rotations factorielles et sectorielles. Nous avions alors estimé que la normalisation des conditions de négociation finirait par devenir plus favorable aux approches Neutral, à la faveur du regain d'intérêt pour les fondamentaux. Ce moment est peut-être venu.

Quatre grandes rotations factorielles ont eu lieu depuis le début de l’année. La première a commencé à l’occasion du krach du marché, avec l’effondrement du facteur Momentum. La deuxième a pris le relais fin mars pendant le creux des marchés, qui a été suivi d'un rebond des actions cycliques et de petite capitalisation. La troisième s’est accélérée à la mi-mai lors du mouvement d’euphorie des investisseurs, qui ont privilégié les valeurs décotées au détriment du style croissance. La dernière s’est produite pendant la correction de juin et a largement effacé les effets de la rotation précédente.
En mai, la volatilité des facteurs a commencé à reculer, signe d’une moindre amplitude des rotations. Parallèlement, les stratégies L/S Equity Neutral ont remanié en profondeur leurs allocations au détriment des valeurs décotées, de qualité et défensives, favorisant les facteurs de croissance et de petite capitalisation. Ces changements, dans le contexte d’un élargissement du leadership sectoriel, d’un regain d’attention pour les fondamentaux des actions (en particulier sur les segments des petites et des moyennes capitalisations) et d’une amélioration des conditions de la vente à découvert, ont tous contribué à générer un alpha positif. L’accroissement de la différentiation entre les performances des gérants des stratégies Neutral est également un bon signe, cohérente avec la normalisation en cours des corrélations et dispersions des actions.
À ce stade, un nouveau rattrapage majeur des valeurs décotées par rapport aux actions de croissance (qui nuirait aux stratégies L/S Equity Neutral) nous paraît peu probable. Il est vrai que les environnements caractérisés par une liquidité abondante et un rebond économique sont généralement propices aux valeurs décotées. Leur décote par rapport aux actions de croissance a atteint par ailleurs des niveaux record. Toutefois, l’inflexion macroéconomique n’est pas assez franche, et des inconnues majeures retiennent encore les investisseurs. De plus, la décote de PER entre les valeurs décotées et les actions de croissance n’est pas incohérente avec l’état de leurs fondamentaux respectifs. Un contexte plus propice aux banques, poids lourds des indices de valeurs décotées, et une stabilisation des cours pétroliers seront des prérequis sans doute nécessaires (voir les changements importants survenus dans les composantes des facteurs depuis l’année dernière, p2). Globalement, les conditions ne nous semblent pas encore toutes réunies pour une rotation durable du marché en faveur des valeurs décotées. Si l’environnement devient plus favorable aux stratégies L/S Equity Neutral, nous préférons pour l’instant attendre, au vu de la rapidité des changements des conditions de marché.